Aimé Jacquet, guide de l'épopée des Bleus en 1998, fête ses 80 ans
Aimé Jacquet, qui fête samedi ses 80 ans, est devenu avec l'épopée de 1998 un héros loué pour son parcours d'"honnête homme".
Aimé Jacquet a 56 ans quand il remporte ce Mondial avec les Bleus - après une finale d'anthologie, gagnée 3-0 face au Brésil -. C'est la première étoile d'une équipe de France qui sera à nouveau championne du monde 20 ans plus tard, en 2018 en Russie, sous les ordres de Didier Deschamps, capitaine en 1998, et avec des méthodes comparables au style Jacquet: robustesse défensive et collectif soudé.
Ancien milieu de terrain de Saint-Etienne, avec qui il gagna cinq fois le championnat de France, le technicien a déjà entraîné Lyon et surtout Bordeaux, sacré champion à trois reprises en 1984, 1985 et 1987, quand il prend la tête des Bleus en 1993, dans un contexte cauchemardesque. L'équipe de France vient de subir l'un des plus grands fiascos de son histoire, en craquant contre la Bulgarie en fin de match (2-1), une défaite en qualifications qui la prive de Coupe du Monde 1994.
Gérard Houllier, le sélectionneur de l'époque, démissionne et c'est son adjoint, Aimé Jacquet, qui récupère le poste. Mais "Mémé" arrive sur la pointe des pieds. Officiellement, il n'est là qu'à titre "provisoire". Il s'impose pourtant, avec ses cheveux grisonnants, sa rigueur et sa poigne. Il écarte ainsi des joueurs prestigieux, d'Eric Cantona à David Ginola, et emmène la France en demi-finale de l'Euro-1996 avec un nouveau maître à jouer: Zinédine Zidane.
Tourneur-fraiseur à l'usine
C'est pendant la préparation du Mondial-1998 que les choses se gâtent. "Laborieux", "fruste", "brave type".... les critiques pleuvent sur le style de jeu des Bleus et la personnalité de leur entraîneur, enfant modeste de Sail-Sous-Couzan (Loire), où ses parents tenaient la boucherie du village. "Jacquet n'est décidément pas l'homme de la situation", écrit l'Equipe.
Le 12 juillet 1998, après avoir été porté en triomphe par ses joueurs, Jacquet avait répondu devant les caméras: "Je ne pardonnerai jamais, jamais je ne pardonnerai", lance-t-il à propos des articles qui l'ont visé avant la Coupe du Monde.
L'une des grandes blessures de Jacquet? Les moqueries sur sa façon de parler et son accent du Forez, sa région d'origine. "Les Parisiens ont bien ironisé sur mon accent", protestera-t-il plus tard. Le joueurs, eux, n'ont cessé de louer la droiture et le sens du devoir de celui qui dans sa jeunesse alternait entre le foot et son métier de tourneur-fraiseur à l'usine.
"Ce qui caractérise Aimé, c'est son humanité, son humilité, son professionnalisme. Il arrivait à mélanger rigueur, vision mais également management dans l'humain, c'est très important", se souvient l'ancien milieu de terrain Emmanuel Petit, interrogé par l'AFP. "Il avait l'adhésion de tout le groupe, parce qu'on sentait qu'on était dans un rapport respectueux, mais également sur des valeurs sincères".
"Muscle ton jeu"
"Muscle ton jeu Robert": immortalisées par le documentaire Les Yeux dans les Bleus, ses causeries dans le vestiaire deviennent célèbres et ses qualités d'anticipation lui valent aussi l'admiration.
Avant la finale contre le Brésil, Jacquet délivre des conseils aux allures prémonitoires: "Sur les coups de pied arrêtés, ils sont assez dilettantes. Si vous êtes un peu futés, malins, essayez de bouger, essayez de les perturber, ils n'ont pas une rigueur de marquage énorme". Zidane est là, au milieu des joueurs, concentré. Pendant le match, il marquera un doublé de la tête... sur corner.
Après ce sacre, Jacquet passe la main à la tête de l'équipe de France à son adjoint Roger Lemerre, qui mènera les Bleus à la victoire lors de l'Euro-2000. Aimé Jacquet, lui, devient directeur technique national à la fédération, un poste qu'il occupera jusqu'en 2006. Brièvement consultant sur Canal+, il prend parfois la parole pour analyser les compétitions internationales ou défendre ses successeurs, comme Raymond Domenech, lui aussi peu épargné par la presse.
Père de deux enfants, celui qui a épousé sa femme en 1970 passe sa retraite sur les bords du lac d'Annecy. Et le foot ne reste jamais loin bien longtemps: "J'aime bien aller me balader sur les stades, le week-end, incognito", confie-t-il au Dauphiné Libéré en mai 2021. Dans "Ma vie pour une étoile", son autobiographie publiée en 1999, il résumait un voeu cher à son coeur: "Je n'ai qu'un souhait, que l'on dise plus tard +Cet honnête homme a bien fait son travail+".